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23 September 2024

Les autorités locales face à la pénurie de médecins

23 September 2024

Les autorités locales face à la pénurie de médecins

Presque partout en Belgique, il devient de plus en plus difficile d’obtenir rapidement un rendez-vous chez un médecin généraliste. Six médecins généralistes belges sur dix n’acceptent plus de nouveaux patients. Pour les personnes qui ont un médecin généraliste, obtenir un rendez-vous rapidement et facilement est devenu compliqué. Dans de nombreuses régions, il est impossible de recevoir une aide rapide pour ceux qui n'ont pas (ou plus) de médecin généraliste. Ce qui constitue évidemment un gros problème quand on est malade.

La mauvaise planification de la Commission de Planification fédérale

La cause principale de la pénurie de médecins généralistes est la mauvaise planification de la Commission de Planification fédérale pendant des années : le nombre de médecins autorisés à obtenir un diplôme (« numerus clausus ») est beaucoup trop restreint. Résultat : il y a moins de médecins généralistes diplômés que de médecins qui partent à la retraite. Cela alors que l’importance d'avoir un bon médecin généraliste ne cesse de croître pour de nombreuses personnes. La population vieillit, les gens souffrent souvent de plusieurs problèmes de santé à la fois, et les problèmes mentaux et sociaux augmentent également.

Dans nos maisons médicales de Médecine pour le Peuple, nous sommes confrontés à ce problème tous les jours. Pour nous, il est clair que davantage de médecins doivent être formés. Des investissements beaucoup plus importants sont également nécessaires pour soutenir le travail des médecins généralistes et des autres prestataires de soins de première ligne. Fin 2022, le ministre Vandenbroucke a présenté son New Deal pour les médecins généralistes. Mais après quatre années au pouvoir, il est clair qu'il n’a pas suffisamment soutenu les médecins généralistes. En effet : ceux-ci ont le sentiment que la situation sur le terrain ne fait qu'empirer. L’année dernière, notre service d'étude a publié un plan en 5 points doté d’un budget calculé de 560 millions d'investissements. Cet argent est nécessaire de toute urgence, car la situation est désastreuse dans de nombreuses régions du pays.

Pour améliorer rapidement la situation dans ces villes et communes, nous avons aussi besoin des autorités communales. Une commune en bonne santé est une commune qui investit dans une

première ligne étendue et accessible. MPLP ne veut pas que les communes essaient de débaucher les médecins généralistes les unes des autres avec de belles promesses, mais des initiatives concrètes sur le terrain pour soutenir leur travail. Il s'agit également d'aider les patients à savoir où s’adresser s'ils n’arrivent pas à se rendre immédiatement chez un médecin ou un autre prestataire de soins.

Nos cinq propositions

1) Un soutien multidisciplinaire dans tous les cabinets de médecine générale.

Nous pouvons soulager le travail des médecins généralistes, parce qu'une partie importante de leur travail quotidien peut être effectué par d'autres personnes. Nous pensons par exemple aux assistants de cabinet pour l'aide administrative, aux infirmières pour le suivi médical, ou encore aux psychologues et aux travailleurs sociaux pour une approche plus large des problèmes des patients. Si les communes aidaient les médecins généralistes dans cette voie, nous pourrions vraiment améliorer la situation très rapidement.
 À Anvers, par exemple, le projet ZIHP (mise en œuvre de protocoles de soins dans le cabinet des médecins généralistes) a été mis en place à la demande de l'association de médecins généralistes Domus Medica : des infirmières sont employées par la ville dans des cabinets de médecine générale. Les médecins généralistes qui ont participé au projet ont tous été enthousiastes. La qualité des soins s'est améliorée et les médecins ont gagné du temps. Mais : la ville couvre les coûts pour un maximum de quatre mois par cabinet. Il ne s'agit absolument pas d'une solution structurelle.

Nous voulons que les autorités communales travaillent à la constitution d'une réserve de personnel de soins de première ligne à employer dans les cabinets de médecine générale. Par exemple, une infirmière ou un assistant à plein temps pourrait aider, pendant une partie de la semaine, plusieurs cabinets dans le même district en cas de besoin. Dans le passé, les communes ont souvent investi, à juste titre, dans des hôpitaux, des maisons de repos, des centres de santé mentale... pour répondre aux besoins locaux en matière de santé. Alors pourquoi ne pouvons-nous pas faire la même chose pour nos médecins généralistes et nos soins de première ligne ?

2) Un soutien logistique et administratif, en particulier pour les nouveaux cabinets.

L'ouverture d'un nouveau cabinet est un investissement important pour les médecins généralistes débutants. Ils doivent trouver un lieu de travail abordable, demander des conseils en matière d'urbanisme, constituer un dossier administratif, etc.

Les autorités communales peuvent aider à l’installation de médecins généralistes là où ils sont nécessaires. Avec la mise à disposition d'un bâtiment à un loyer abordable ou l'octroi d'une subvention ou d'un prêt sans intérêts, par exemple. Dans la province de Luxembourg, où la pénurie de médecins généralistes est très importante, les groupes de médecins généralistes locaux ont fondé ensemble « Santé Ardenne ». L'association aide les médecins qui souhaitent ouvrir un cabinet dans la région. Ils encouragent les communes à louer des locaux avec logement à un loyer avantageux pour les jeunes médecins généralistes.

Un point de contact clair pour les médecins généralistes au sein de l'administration communale les aide à démarrer en douceur et de manière efficace. Ainsi, un nouveau cabinet de médecine générale s'intègre dès le départ dans le système local de soins de première ligne.

3) Un point de triage pour les patients sans médecin traitant, dentiste, psychiatre, etc.

Dans les régions où la pénurie de médecins généralistes est la plus aiguë et où un grand nombre de personnes n'ont pas (ou plus) de médecin généraliste attitré, nous proposons de mettre en place un point de contact temporaire. Il s'agit d'un numéro central via lequel un ou plusieurs membres du personnel administratif de la commune sont disponibles pour aider les patients. Un tel point peut utiliser une carte sociale pour suivre l'évolution de la situation dans chaque cabinet de médecine générale et contribuer ainsi à équilibrer l'inscription de nouveaux patients. La même solution peut s’appliquer à d’autres disciplines pour lesquelles il est souvent devenu très difficile de trouver un soignant, comme la dentisterie ou la psychiatrie.

Si les besoins sont très importants, les autorités locales peuvent également aider les cercles de médecins généralistes à mettre en place un « centre d'urgence de médecine générale »[4] commun pour les soins médicaux urgents. Le centre de médecine générale est une solution d'urgence temporaire, coordonnée par le cercle de médecins généralistes local. Le centre doit bénéficier d’un financement supplémentaire. Il va sans dire qu'aucun budget ou personnel ne doit être retiré à la première ligne de soin locale.

4) Des zones de première ligne fortes

Les médecins généralistes doivent être en mesure de collaborer harmonieusement avec les autres prestataires de soins de santé locaux : physiothérapeutes, pharmaciens, soins à domicile locaux, psychologues de première ligne, centres de santé mentale, services de travail et de bien-être social, etc. Avec plus de concertation et de coopération, on évite de faire le travail deux fois et le patient reçoit l'aide adaptée plus facilement. Les autorités communales devraient prendre le pouls des soins de première ligne locaux.

La Flandre est divisée en 60 zones de soins de première ligne (ELZ) contrôlées par un conseil des soins. À Bruxelles et en Wallonie, on souhaite également coordonner les soins de première ligne au niveau territorial (les zones seront appelées « bassins de soins » et « ProxySanté »). Le conseil des soins réunit toutes les disciplines de première ligne, c'est le lieu privilégié pour le renforcement de la coopération. Mais le gouvernement flamand n'investit pas assez dans les ELZ. Le budget de nombreuses ELZ ne leur permet pas d’engager un coordinateur à temps plein. Les autorités communales peuvent soutenir financièrement et logistiquement la concertation locale en matière de soins de première ligne par l'intermédiaire de leur zone de soins de première ligne.

5) Une pratique forfaitaire dans chaque quartier

À terme, nous souhaitons que chaque quartier dispose d'une maison médicale de quartier. Les maisons médicales de quartier sont des maisons médicales multidisciplinaires, également appelées maisons médicales de première ligne élargies. Elles emploient des médecins généralistes, des infirmières, des travailleurs sociaux, des psychologues et d'autres professionnels de la santé. Une maison médicale de quartier reçoit un montant mensuel fixe par patient inscrit par l'intermédiaire de la mutuelle du patient. C’est ce qu’on appelle le « paiement forfaitaire ». Les patients n'ont pas à payer de ticket modérateur et peuvent se rendre gratuitement à la maison médicale de quartier.

Les 11 maisons médicales de Médecine pour le Peuple (MPLP) montrent l'exemple depuis des décennies. Les patients peuvent se rendre dans ces centres d'action médicaux pluridisciplinaires sans débourser le moindre euro. Les maisons médicales de MPLP privilégient la prévention et mènent des actions avec les patients concernant les questions de santé locales.

Les communes peuvent promouvoir et soutenir le lancement de nouveaux cabinets au fonctionnement forfaitaire : en mettant à disposition un bâtiment et du personnel administratif, en attirant de jeunes médecins et en les aidant en matière de coordination et de recrutement, en promouvant les stages dans une maison médicale de quartier auprès des étudiants, etc.


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