Si vous avez besoin d’un scanner ou d’une IRM, très souvent vous devrez payer un supplément en plus du tarif normal. C’est la conséquence d’une proposition de loi du ministre Vandenbroucke qui, depuis décembre 2023, a créé une situation de “médecine à deux vitesses”.
Auteures : Janneke Ronse et Sofie Merckx
En effet, la loi n'autorise plus la facturation de frais supplémentaire que pour des examens non urgents et réalisés en dehors des heures de bureau (avant 8h, après 18h et les week-ends). Un premier pas intéressant en apparence mais qui, en réalité, creuse le fossé entre ceux qui peuvent payer ces frais supplémentaires et ceux qui n’en ont pas les moyens.
Récemment, Didier est venu voir son médecin généraliste dans l'une de nos maisons médicales de Médecine pour le Peuple. Conformément à l’avis de son médecin spécialiste, nous appelons l'hôpital pour un scanner dont Didier a besoin le plus rapidement possible. On nous propose un rendez-vous pendant le week-end sans nous informer de frais supplémentaires. Pourtant, ce n’est qu’au moment de passer l’examen que Didier apprend qu’un supplément de 53 euros lui sera facturé.
Malheureusement, le cas de Didier n'est pas un cas isolé. Les mutuelles reçoivent de plus en plus de plaintes de la part de patients à qui l’on a facturé des frais supplémentaires « illégaux » ou non réglementaires, comme l'ont rapporté les médias à plusieurs reprises.
Il n’y a pas qu’en radiologie que les mesures du ministre Vandenbroucke provoquent des inégalités. Cela concerne également toute une série d’autres spécialités. Récemment encore, on pouvait lire dans les journaux que certains dentistes et orthodontistes refusent des patients bénéficiant d'une intervention majorée (BIM), et ce justement parce qu’ils ne pourront pas leur facturer des suppléments.
La facturation de suppléments conduit toujours à une médecine à deux vitesses : un TGV ultra-rapide pour ceux qui peuvent se permettre de payer des suppléments, et un omnibus ultra-lent pour ceux qui n'ont pas les moyens.
Les suppléments sont antisociaux, ils sapent l'idée de base de notre sécurité sociale : quels que soient ses revenus, tout le monde devrait avoir accès à une médecine de qualité. C'est le principe sur lequel on a créé notre sécurité sociale, il y a exactement 80 ans.
Par ailleurs, les assurances privées complémentaires sont en plein essor. De nombreuses personnes tentent ainsi de se protéger contre l'augmentation des frais médicaux. Plus de 8 personnes sur 10 disposent déjà d'une assurance hospitalisation privée, et les assurances dentaires et ambulatoires sont également de plus en plus nombreuses.
C'est compréhensible, mais l'assurance hospitalisation ou l'assurance dentaire qui rembourse les suppléments n'est pas la même chose que notre assurance maladie obligatoire. Les prix de l'assurance hospitalisation ont augmenté jusqu'à 15 % en 2023. Pour beaucoup de gens, c'est une ponction importante sur leur budget. Le fossé se creuse donc entre ceux qui bénéficient d'une assurance privée onéreuse et ceux qui sont laissés pour compte. Il en résulte un problème de sous-consommation des soins de santé.
Pour préserver le droit à des soins accessibles à tous, il faut donc se débarrasser des suppléments. Pour ce faire, il faut revoir le financement de nos hôpitaux. En effet, les spécialistes consacrent une partie significative de leurs honoraires au financement des frais de fonctionnement des hôpitaux. Donc sans les suppléments, le budget de l'hôpital serait affaibli.
Les suppléments ne sont pas seulement antisociaux, ils poussent aussi à des examens supplémentaires inutiles. Plus il y a de prestations, plus il y a de recettes, y compris pour l'hôpital. Donc, à la sous-consommation de soins utiles s'ajoute la surconsommation de soins inutiles. La qualité des soins est menacée pour tous, même pour les patients munis des billets de TGV.
La santé financière de nos hôpitaux ne doit plus dépendre de ces suppléments. Le financement de base (BMF) de nos hôpitaux par l'assurance maladie devrait apporter les moyens nécessaires. Notre budget de santé doit pouvoir croître de 3,5 % par an pour faire face au vieillissement de la population et à l'augmentation des besoins.
C’est également ce qu’affirme le Bureau du Plan. Faire des économies dans les soins de santé, comme l'ont déjà suggéré certains partis de droite, ne fera qu'accroître le marché des suppléments et des assurances d’hospitalisation privées. C'est pourquoi nous devons renforcer notre sécurité sociale pour que les épaules les plus larges portent les charges les plus lourdes à la place d’une médecine à deux vitesses.
Janneke Ronse et Sofie Merckx
photo: Julien Ribaudo