Analyse
08 February 2024

La santé, un droit ? Pourquoi une vision publique des soins de santé est-elle meilleure : entretien avec Allyson Pollock

08 February 2024

La santé, un droit ? Pourquoi une vision publique des soins de santé est-elle meilleure : entretien avec Allyson Pollock

Imaginez-vous... Des soins de santé accessibles à tous, du médecin de famille au spécialiste, en passant par le psychologue... et tout cela gratuitement. Une utopie ? Ou pas...

En septembre, lors de la dernière édition de Manifiesta, Médecine pour le Peuple a invité Allyson Pollock, professeure en santé publique à l’Université de Newcastle. Elle est spécialiste du NHS et activiste du droit à la santé. Le NHS (National Health Service), c’est le système de santé britannique qui a pendant longtemps été considéré comme l’un des meilleurs au monde. Il est né en 1948, juste après la deuxième guerre mondiale, dans une volonté de progrès social, en réponse au fascisme vaincu.  Le système fournissait des soins de qualité pour tous, gratuitement, indépendamment des revenus, et ce dans toutes les régions et tous les quartiers du Royaume-Uni. Cet accès aux soins était global : soins de médecine générale et spécialisés, dentistes, kinés, psychologues... Cette organisation était publique, tant au niveau du financement que de la gestion. Ce système renommé a inspiré de nombreux pays (Canada, Espagne, Portugal, certains pays scandinaves...). Il a été mis sous pression par le désinvestissement amorcé dans les années 80 par Margaret Tatcher et n’a aujourd’hui plus très bonne presse. Mais son histoire et ses principes restent vraiment inspirants.

Que pouvons-nous apprendre d’intéressant de cette expérience, pour notre situation concrète, ici en Belgique ?

Nous vous invitons à le découvrir dans cette rencontre entre Allyson Pollock et Sofie Merckx, médecin généraliste à Médecine pour le Peuple - Marcinelle et députée PTB au parlement fédéral. Elles mettent ainsi clairement en avant les différences entre une vision publique de la santé et une vision libérale. Pour que la santé soit un droit, il faut absolument garantir l’accessibilité aux soins, tant sur le plan géographique que financier, et ce de manière globale. Mais aussi investir dans la prévention. Il faut aussi une autre logique de financement, qui ne rémunère pas les actes, mais donne les moyens de prendre soin de l’ensemble d’une population par un financement forfaitaire (un financement par population). Comme dans les maisons médicales au forfait ici en Belgique, une expérience qui montre que ça marche, et qui permet aux patients de recevoir les soins adéquats sans devoir s’inquiéter pour l’argent. L’expérience du NHS montre aussi qu’on peut faire beaucoup mieux... avec moins. Bien loin du mythe qui fait croire qu’une vision publique appliquée aux soins de santé entraîne toujours plus de dépenses, auxquelles il est impossible de faire face. Allyson Pollock illustre bien que c’est le contraire. Qu’un système de soins basé sur la logique de marché coûte très cher, augmente les inégalités, diminue la qualité des soins et épuise les soignants. Ceux-ci doivent être de plus en plus rentables, sont pressés comme des citrons, mal payés et ne voient plus le sens de leur travail.

Profits et santé ne font pas bon ménage

Cette vision de soins de santé publique est opposée au modèle américain qui est aujourd’hui de plus en plus prôné et gagne du terrain en Europe, avec comme conséquence une médecine à deux vitesses. On le voit dans notre pays, où l’on traverse une vraie crise des soins de santé. De nombreuses organisations (syndicats, mutuelles, de la société civile) dénoncent aujourd’hui la commercialisation des soins de santé et ses conséquences, tant pour les patients que pour les travailleurs : avec des soins de moins en moins payables, des files d’attente et des délais interminables, des hôpitaux qui fonctionnent de plus en plus comme des usines, des assurances hospitalisation de plus en plus chères...

Des soins de santé humains et accessibles, c’est possible

Nous avons besoin d’investissements dans nos soins. Mais aussi d’une toute autre manière de regarder la santé, globale, universelle et incluant la prévention. Nous avons besoin de plus de structure et de collaboration dans notre système. De maisons médicales et de centres de préventions dans chaque quartier. Et c’est possible. C’est aussi un message d’espoir pour tous ceux qui y aspirent et se mobilisent à l’heure actuelle.

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