Interdiction des suppléments pour le scanner et l’IRM : une bonne chose pour l'accessibilité ?
Attendre ou payer
Dans les maisons médicales de Médecine pour le Peuple, nous sommes tous les jours confrontés aux témoignages de patients qui nécessitent un scanner. Ils font face à des choix difficiles, tant sur le plan financier qu’émotionnel. Même si les suppléments ne sont plus autorisés dans les situations d'urgence, une inégalité d'accès à cette imagerie subsiste.
Annie a dû passer une IRM pelvienne à l'hôpital Middelheim. Soit elle devait attendre des mois, soit elle devait payer 45 euros pour obtenir un rendez-vous plus vite et durant le week-end. Pour de nombreux patients, il s’agit d’un choix difficile. Un patient nous a même confié : « si je paie ce montant, je ne mange pas pendant deux semaines ».
Un autre patient a eu le choix : un rendez-vous en dehors des heures de bureau avec un « supplément » de 50 euros, ou attendre huit semaines, jusqu’après Noël. À l’hôpital d’Eeklo, notre collaborateur d’accueil a reçu une proposition similaire pour le patient en question : attendre trois mois ou payer 30 euros de plus pour bénéficier d’un « traitement préférentiel ». « Nous sommes obligés de payer pour notre santé. » Voilà la douloureuse conclusion d'Annie et des autres.
Les temps d'attente pour les scanners non urgents augmentent. Cela a un impact important sur l'accessibilité des soins, surtout pour les personnes qui n'ont pas les moyens financiers de payer un supplément pour bénéficier de services plus rapides. De plus, ce problème ne se limite pas à l'imagerie. Les patients doivent souvent attendre des mois pour voir un spécialiste, sauf s’ils sont disposés à payer un supplément pour obtenir un rendez-vous plus rapidement dans un cabinet privé. Le recours au « speedypass », qui consiste à payer un supplément pour avoir un rendez-vous plus rapidement, est malheureusement de plus en plus courant.
Cela crée une situation où les personnes qui ont les moyens de payer les suppléments sont prioritaires, tandis que les autres sont obligées de rester dans une file d'attente de plusieurs mois. Il en résulte un système de soins de santé dans lequel l'accès (plus rapide) dépend de la situation financière de la personne plutôt que de son état de santé.
Un autre problème réside dans le fait que les règles relatives aux suppléments sont vagues. Les suppléments sont généralement interdits en cas de soins urgents, et les hôpitaux doivent prévoir une capacité suffisante pour les examens non urgents, afin que ceux-ci soient réalisés dans un délai raisonnable. Mais qu’entend-on par « délai raisonnable » ? Et qui détermine ce délai ? Cela n'est spécifié nulle part.
Les patients paient de plus en plus souvent de leur poche
L'étude de Solidaris mentionne la réduction des suppléments pour les examens IRM et les CT-scans, mais souligne également un glissement des suppléments vers d'autres examens dans certains hôpitaux. Un « nouveau » supplément s’applique alors à des examens tels que l'échographie ou la radiographie conventionnelle. De cette manière, les hôpitaux et les médecins tentent de compenser la baisse des suppléments pour les CT-scans et l’IRM. En fin de compte, on prend d’un côté ce qu’on donne de l’autre, et c'est toujours le patient qui paie la facture.
Ces dernières années, nous avons assisté à une augmentation considérable des suppléments d'honoraires dans les soins de santé belges. Conséquence : les patients belges doivent débourser beaucoup plus d'argent que dans des pays voisins comme la France et l'Allemagne (3). En 2023, par exemple, 697 millions d'euros de suppléments ont été facturés directement aux patients, soit une augmentation de 13 % par rapport à l'année précédente (4). Dans certains cas, les factures des patients dépassent 10 000 euros pour une hospitalisation (5). Cette situation exerce une pression financière importante sur les patients.
Vers une interdiction totale des suppléments
Médecine pour le Peuple plaide depuis longtemps pour la suppression totale de tous les suppléments. Aujourd'hui, de plus en plus de voix s'élèvent en ce sens. Luc Van Gorp, président de la MC, déclare : « Les suppléments ne doivent pas être supprimés du jour au lendemain, mais nous devons nous diriger vers cette suppression de façon bien définie. » (6). Zorgnet-Icuro préconise également une approche globale. « Les recherches montrent que l'interdiction partielle protège mieux les patients, mais nous préconisons une suppression complète des suppléments d’honoraires », déclare l’administratrice-déléguée Margot Cloet. « Cette mesure devrait être mise en œuvre globalement. Les médecins cèdent une partie de ces suppléments à l'hôpital pour couvrir certains coûts. Nous devons passer à un système dans lequel les hôpitaux ne se tournent plus vers les médecins, qui à leur tour répercutent les coûts sur le patient. C’est au gouvernement d’assurer les coûts auxquels font face les hôpitaux. (7)
Elle identifie clairement le problème. L'ensemble du système de financement des hôpitaux doit être repensé et réformé en profondeur. Les hôpitaux sont actuellement sous-financés par le gouvernement. C’est pourquoi ils sont dans le rouge et cherchent d'autres revenus via les honoraires des médecins et les suppléments d’honoraires que ceux-ci leur reversent. Résultat : la facture du patient ne cesse d’augmenter.
La médecine à la prestation
Aujourd'hui, chaque prestation médicale rapporte de l’argent. L'accent est donc mis sur la quantité plutôt que sur la qualité des soins. Cette logique conduit souvent à des examens inutiles et à du gaspillage. Le patient reçoit des soins moins qualitatifs, paie des factures plus élevées et, parallèlement, les caisses de la sécurité sociale se vident parce que celle-ci rembourse trop de prestations.
Inversons cette logique, passons de « Comment allons-nous tirer le plus d’argent des patients ? » à « Comment allons-nous garder les gens en bonne santé ? » Nous devons abandonner ce système de financement à la prestation, qui permet tout juste de maintenir nos hôpitaux à flot. Lorsque le gouvernement prévoira un budget suffisant, les hôpitaux redeviendront des hôpitaux et cesseront d’être des entreprises qui cherchent à soutirer de l’argent aux patients.
Un montant fixe pour le fonctionnement global, basé sur le nombre et les caractéristiques des patients de la population qu'ils soignent ; garder les gens en bonne santé au lieu de les soigner lorsqu'ils sont malades ; des soins qualitatifs ; une coopération entre les professions et les institutions ; suffisamment de personnel soignant... Tous ces éléments occuperont alors une place centrale.
Références
- 1 : https://www.dewereldmorgen.be/artikel/2024/05/16/alleen-een-sterke-sociale-zekerheid-kan-de-tweesnelheden-geneeskunde-van-supplementen-stoppen/
- 2 : Solidaris: "Bijna 60 procent minder ereloonsupplementen voor zware medische beeldvorming" - Medi-Sfeer
- 3 : https://www.ima-aim.be/IMG/pdf/fito_-_supplementen_241009.pdf
- 4 : Monitoring ereloonsupplementen voor ziekenhuisverblijven. Ereloonsupplementen in Belgische ziekenhuizen met 13 procent gestegen in 2023 - De Specialist
- 5 : https://www.ima-aim.be/IMG/pdf/fito_-_supplementen_241009.pdf
- 6 : PERFORMANCE DU SYSTÈME DE SANTÉ BELGE : RAPPORT 2024
- 7 : MRI- en CT-scans goedkoper door vaste tarieven, maar helft ziekenhuizen omzeilt maatregel en verhoogt andere kosten | VRT NWS: nieuws