Du 7 au 11 avril, la cinquième People’s Health Assembly (Assemblée populaire pour la santé, PHA-5) s'est tenue en Argentine.
Des professionnels de la santé et des militants s'y sont réunis pour discuter du droit à la santé dans un contexte mondial. Nous y étions aussi, avec 627 autres participants issus de plus de 60 pays. Ce furent cinq jours remplis d'histoires fascinantes, de rencontres inspirantes et d'idées novatrices.
Le Mouvement pour la santé des peuples : le droit à la santé pour tous
L'Assemblée est organisée par le People’s Health Movement (PHM - Mouvement pour la santé des peuples). C’est un réseau mondial qui rassemble des militants de la santé, des chercheurs et des organisations œuvrant pour le droit à la santé pour tous et pour l'égalité, la justice sociale et la paix. Il est né en réponse aux préoccupations croissantes concernant l'impact de la mondialisation, du néolibéralisme et des inégalités structurelles sur la santé dans le monde. Tout comme Médecine pour le peuple, le PHM défend « le droit à la santé pour tous dans une société saine ».
Au cours de l’assemblée, des conférences et des ateliers ont été organisés autour de six domaines stratégiques : les systèmes de santé, la guerre et les migrations forcées, la santé et les écosystèmes, le commerce et la santé, l'égalité des genres et le « buen vivir » (un thème important en Amérique latine, qui concerne la préservation des connaissances ancestrales, mais aussi la conception de la santé humaine en relation avec son environnement et la nature).
La Palestine et l'Argentine au coeur de l'Assemblée
La PHA-5 s'est déroulée en Argentine, où le président au pouvoir depuis l'automne 2023 est d’extrême droite. Depuis l'entrée en fonction du président Milei, les pouvoirs publics sont démantelés les uns après les autres et les organisations de défense des droits humains perdent leur financement public. Ces mesures devraient soit-disant permettre de contrer l'hyperinflation et la dette publique qui touchent l'Argentine depuis plusieurs années.
Le résultat, cependant, est que les gens se retrouvent sans argent et sans encadrement social. Nous avons par exemple appris de Marina, qui a fondé une organisation de soins de première ligne et de transport en ambulance dans un quartier très pauvre de Buenos Aires, que tous les fonds publics avaient été supprimés par la nouvelle politique. À cause de cela, elle n'a pas su payer son personnel pendant des mois, et encore moins acheter de nouveaux équipements.
Les nouveaux dirigeants ont également eu une influence sur une autre problématique importante : les visas des Palestiniens n'ont pas été approuvés par la politique extrêmement conservatrice. Seul un militant palestinien a pu obtenir un visa, et ce parce qu'il possédait également la nationalité britannique. Le témoignage de Laith lors du symposium était poignant :
"C'est une bataille pour notre vie, une bataille pour notre santé. Je tiens à vous remercier. Il est difficile d'être loin de mes camarades en ces temps difficiles. Mais je ressens votre solidarité, je l'emporterai avec moi en Palestine et je l'utiliserai sur notre chemin vers la liberté. Nelson Mandela a dit un jour : " Nous savons très bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens." La liberté des Palestiniens ne sera jamais complète sans la liberté des peuples partout dans le monde."
Malgré le blocus politique, la Palestine a été un sujet très important à l’assemblée, et la solidarité était incroyable.
Espoir, résistance et lutte pour une autre société
Tel est l'esprit qui a animé ces cinq jours. Comme le dit Leandro, médecin formé à l'École latino-américaine de médecine de Cuba et dirigeant du Mouvement des sans-terre au Brésil :
Nous considérons la santé comme un droit et non comme une marchandise. Notre vision de la santé est de pouvoir lutter contre tout ce qui nous opprime. Et cette santé ne peut être gagnée que par la lutte populaire.
Cette rencontre nous a permis de prendre connaissance des projets et de l'expertise des autres, et nous avons également eu l'occasion de présenter notre propre organisation lors de l'une des conférences sur les systèmes de santé.
Nous avons raconté nos débuts il y a 50 ans, parlé de notre travail dans nos maisons médicales et expliqué comment notre organisation associe quotidiennement soins de santé et militantisme.
Nous avons également partagé notre vision d'un institut européen de soins pharmaceutiques publics avec des Brésiliens et des Colombiens. Il y a eu beaucoup d’enthousiasme.
Après le PHA-5, nous avons brièvement rejoint les partenaires de Viva Salud à Buenos Aires. Nous avons fait plus ample connaissance avec les différentes organisations partenaires, nous nous sommes remémoré ces cinq jours passionnants et nous avons profité de l'occasion pour poursuivre notre réflexion sur nos actions communes ici aussi.
L'appel à l'action lancé à la fin du congrès était clair : la lutte pour la santé est une lutte pour la liberté et contre le capitalisme et l'impérialisme.
Une expérience inspirante
Ce fut une expérience fantastique de rencontrer autant de personnes du monde entier qui partagent les mêmes idées. Cela nous aide à comprendre que nos luttes pour le droit à la santé, pour une vie digne, pour l'environnement... sont interconnectées, au Nord comme au Sud. Il est encourageant de voir autant de personnes partageant les mêmes idées.
En tant que jeune médecin, j'ai trouvé cela très inspirant : l'organisation offre une alternative positive à l'avenir qui nous est proposé aujourd'hui. Les années à venir promettent de nombreux changements pour notre monde. Il y a une forte inégalité entre les riches et les pauvres, que les tendances néolibérales continuent d’accentuer. Mais d’un autre côté, les gens descendent de plus en plus dans la rue pour défendre leurs droits.
La crise climatique fait de plus en plus de victimes chaque année, c'est pourquoi nous devons continuer à nous battre pour une énergie verte accessible et une agriculture saine pour les gens et pour la planète.
La guerre en Palestine met en évidence l'hypocrisie de l'Occident, mais les manifestations de masse montrent que nous, les citoyens, ne tolérons plus cette violation des droits humains.
Beaucoup de choses sont déjà en train de changer, et j’ai pu en prendre clairement conscience pendant l’assemblée. La lutte pour la santé est une lutte pour la liberté et contre le capitalisme et l'impérialisme. Et beaucoup d'entre nous sont engagés. Pour reprendre les termes de nos camarades latino-américains : « El pueblo unido jamas será vencido ! Uni, le peuple ne sera jamais vaincu ! »
Nous allons ramener toutes ces expériences de lutte, cette combativité et cet espoir en Belgique.
Autrice : Quirine Dejonghe